Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/301

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de général, et parce qu’étant assiégés ils ne pouvaient rien savoir. Ils sortirent de la place sous la foi publique. Ce fut ainsi que les Bœotiens prirent possession d’Œnoé qui leur était abandonnée, que cessa l’oligarchie d’Athènes, et que la sédition fut calmée.

XCIX. Vers la même époque de cet été, les Péloponnésiens qui étaient à Milet ne touchaient point leur solde ; personne de ceux qu’à son départ pour Aspende Tissapherne avait chargés de leur payer le subside ne s’acquittait de cette commission. Ils ne voyaient arriver ni ce satrape ni les vaisseaux de Phœnicie. Philippe, qui avait été envoyé à sa suite, écrivait à Mindare, commandant de la flotte, que ces vaisseaux ne viendraient pas, et que les Péloponnésiens étaient, à tous égards, le jouet de Tissapherne. Hippocrate de Sparte, qui était à Phasélis, écrivait la meme chose, ajoutant que Pharnabaze, qui espérait tirer parti de leur jonction, les invitait à s’unir à lui, prêt à leur amener des vaisseaux et à faire soulever contre les Athéniens le reste des villes de son gouvernement, comme l’avait promis Tissapherne.

Mindare, qui faisait observer une exacte discipline, donna subitement l’ordre du départ, pour en dérober la connaissance à ceux de Samos ; il mit à la voile de Milet avec soixante et treize vaisseaux, et cingla du côté de l’Hellespont. Déjà, dans le même été, il y avait abordé seize navires, et les troupes faisaient des courses dans une partie de la Chersonèse. Mindare, tourmenté d’une tempête, fut obligé de relâcher à Icare ; il y fut retenu cinq à six jours par les vents contraires, et aborda à Chio[1].

C. Thrasyle apprit qu’il était sorti de Milet, et mit lui-même à la voile de Samos avec cinquante-cinq navires, faisant la plus grande diligence pour n’être pas prévenu dans l’Hellespont par le commandant ennemi. Il sut qu’il était à Chio, et eut soin de placer, à Lesbos et sur le continent qui regarde cette île, des gens chargés de l’épier, pour qu’il ne pût, à son insu, faire aucun mouvement. Il se transporta lui-même à Méthymne et y donna ses ordres pour les approvisionnemens de farines et d’autres munitions nécessaires, dans le dessein de faire des courses de Lesbos à Chio, si Mindare y séjournait plus long-temps. D’ailleurs Erése s’était détachée de Lesbos ; il voulait s’y transporter, et, s’il était possible, s’en rendre maître. Les plus riches bannis de Méthymne avaient fait venir de Cumes environ cinquante hoplites qui se joignirent à eux par amitié, et en avaient pris d’autres à leur solde dans le continent, ce qui faisait en tout environ trois cents hommes. Ces troupes étaient commandées par Anaxarque de Thèbes, lié à ces chefs par une commune origine ; avec ces forces, ils avaient attaqué Méthymne. Repoussés dans cette première tentative par les Athéniens en garnison à Mitylène, qui s’avancèrent contre eux, et chassés une seconde fois à la suite d’un combat, ils s’étaient retirés par la montagne et avaient fait soulever Érèse. Thrasyle s’y rendit, dans l’intention d’attaquer la place par mer. Thrasybule, sur la nouvelle de cette expédition des bannis, y était passé auparavant de Samos avec cinq vaisseaux ; arrivé trop tard, il se tenait à l’ancre à la vue de la place. Ils reçurent un renfort de deux navires qui retournaient de l’Hellespont dans l’Attique ; ils furent joints aussi par les vaisseaux de Méthymne, ce qui leur formait en tout une flotte de soixante sept batimens. Ils en prirent les soldats, et se disposérent à battre la place avec des machines, et à tout mettre en usage pour s’en rendre maîtres.

CI. Cependant Mindare et les vaisseaux du Péloponnèse, qui étaient en relâche à Chio, ayant mis deux jours à rassembler des vivres, et reçu par tête, des habitans, trois tessaracostes du pays[2], partirent le troisième jour ; ils gagnèrent aussitôt la haute mer pour ne pas rencontrer la flotte qui était à Érése. Lesbos était a leur gauche et ils faisaient voile vers le continent. Ils relâchèrent dans la campagne de Phocée, au port de Cratéries, y dînèrent, et côtoyant le rivage de Cumes, ils allèrent souper aux Arginuses, sur le continent, en face de Mitylène. De là, ils tinrent encore la mer une

  1. Commencement de juillet.
  2. Il faut traduire, comme je l’ai fait. si l’on suppose avec plusieurs savans, appuyés par Docker, qu’il y avait une monnaie de Chio appelée tessaracosté, peut-être parce qu’elle faisait la quarantième partie d’une autre monnaie qui nous est inconnue. Mais si l’on ne veut pas se rendre aux raisons de Ducker, qui me paraissent avoir beaucoup de force, et qu’on aime mieux suivre Spanheim et Abresch, il faudra traduire quarante-trois drachmes du pays.