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Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/303

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ailleurs, et il était contenu par les Syracusains et par d’autres vaisseaux, en aussi grand nombre que ceux qui agissaient contre Thrasybule. Mais enfin les Péloponnésiens ne craignant plus rien, parce qu’ils étaient victorieux, se mirent séparément à la chasse des vaisseaux et commencèrent à dégarnir quelques parties de leurs rangs. De son côté, Thrasybule, se voyant arrêté par les bâtimens qui lui sont opposés, ne s’occupe plus d’étendre davantage l’aile qu’il commande ; il charge les navires qui lui font obstacle, les repousse, les met en fuite. il court à l’endroit où la flotte du Péloponnèse est victorieuse, trouve les vaisseaux épars, les attaque, et sans combat, il en frappe le plus grand nombre de terreur. Déjà les Syracusains avaient cédé aux efforts de Thrasyle ; ils pressèrent encore plus leur fuite en voyant le malheur du reste de la flotte.

CVl. La défaite des ennemis était décidée. La plupart des Péloponnésiens prirent d’abord la fuite vers le fleuve Pydius et ensuite vers Abydos. Les Athéniens ne prirent qu’un petit nombre de vaisseaux : comme l’Hellespont est étroit, il n’opposait à l’ennemi qu’un faible espace de mer à franchir pour se mettre en sûreté. Cette victoire ne pouvait venir plus à propos aux Athéniens. Les malheurs qu’ils venaient d’éprouver en peu de temps, et leur désastre de Sicile, leur avaient jusqu’alors fait paraître redoutable la marine du Péloponnèse ; mais ils cessèrent d’avoir mauvaise opinion d’eux-mêmes et de trop estimer les forces maritimes de leurs ennemis. Les vaisseaux dont ils se rendirent maîtres furent huit de Chio, cinq de Corinthe, deux d’Ambracie, deux de Bœotie, un de Lacédémone, un de Syracuse et un de Pelléne. Eux-mêmes en perdirent quinze. Ils élevèrent un trophée à la pointe où est Cynossème, recueillirent les débris des vaisseaux, accordèrent aux ennemis la permission d’enlever leurs morts et envoyèrent une trirème porter à Athènes la nouvelle de leur victoire. Les Athéniens, en apprenant à l’arrivée de ces vaisseaux leur bonheur inespéré, se rassurèrent sur leur infortune en Eubée et sur les maux que leur avaient causés leurs divisions ; ils crurent que leurs affaires n’étaient point encore en trop mauvais état, et qu’il ne fallait que de l’ardeur pour reprendre la supériorité.

CVII. Le surlendemain du combat naval[1], les Athéniens qui étaient à Sestos, s’étant pressés de radouber leurs vaisseaux, allèrent à Cyzique qui s’était soulevé. ils virent à l’ancre, vers Harpagium et Priape, les huit vaisseaux de Bysance, firent voile sur eux, battirent les équipages qui étaient à terre, et prirent les vaisseaux. Arrivés à Cyzique qui n’était pas fortifié, ils firent rentrer les habitans sous leur puissance, et les mirent à contribution.

Cependant les Péloponnésiens passèrent d’Abydos à Élæonte, et recouvrèrent ceux des vaisseaux qu’on leur avait pris qui étaient en bon état : les autres avaient été brûlés par les habitans. Ils envoyèrent Hippocrate et Épiclés en Eubée, pour en amener les bâtimens qui s’y trouvaient.

CVIII. Vers cette époque, Alcibiade, avec treize vaisseaux, passa de Caune et de Phasélis à Samos : il annonça qu’il avait détourné la flotte de Phœnicie de venir se joindre aux Péloponnésiens, et qu’il avait rendu Tissapherne plus qu’auparavant ami d’Athènes. Il équipa neuf bâtimens, outre ceux qu’il avait déjà, mit à contribution les habitans d’Halicarnasse, et ceignit la ville de Cos d’une muraille. Il y établit des magistrats, et revint à Samos vers l’automne.

Tissapherne ayant appris que la flotte du Péloponnése était passée de Milet dans l’Hellespont, appareilla, et se porta d’Aspende dans l’Ionie.

Pendant que les Péloponnésiens étaient dans l’Hellespont, les habitans d’Antandros, qui sont des Æoliens, firent venir par terre, à travers le mont Ida, des hoplites d’Abydos, et les introduisirent dans leur ville. ils avaient à se plaindre du Perse Astacés, lieutenant de Tissapherne. Les habitans de Délos, que les Athéniens avaient chassés de leur île pour la purger, étaient venus habiter Atramyttium. Astacès, dissimulant la haine qu’il leur portait, invita les principaux d’entre eux à une expédition, les attira sous de faux semblans d’alliance et d’amitié, et, saisissant le moment où ils prenaient leur repas, il les fit entourer de ses gens et tuer à coups de flèches. Les Déliens, après une telle perfidie, craignaient d’éprouver un jour, de sa part, de nouveaux attentats, et comme d’ailleurs il leur

  1. Vers le 18 juillet.