Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/356

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redoubla leur hardiesse et leur acharnement.

Le polémarque, voyant ses guerriers maltraités, ordonne à ceux qui avaient dépassé de quinze ans l’âge de puberté de charger Iphicrate ; mais forcés de reculer, il leur périt plus de monde qu’auparavant. Ils avaient perdu les plus braves, lorsque leurs cavaliers arrivent, chargent avec eux, et repoussent les peltastes d’lphicrate, mais en adoptant une mauvaise manœuvre, puisqu’au lieu de poursuivre et de tuer, ils se bornaient à protéger les coureurs, s’avançant et reculant avec eux sur une même ligne. En suivant les mouvemens de ces coureurs, leur nombre décroissait : ils se décourageaient ; l’ennemi venait toujours à la charge, plus hardi et plus nombreux. Réduits aux dernières extrémités, ils se ramassent sur une petite colline, à deux stades de la mer, et à seize à dix-sept stades environ du port Léchée.

Les hoplites de Callias, qui n’en étaient pas éloignés, descendirent aussitôt dans des barques, et cotoyèrent le rivage jusqu’à ce qu’ils fussent arrivés près de ce tertre. Livrés à une affreuse perplexité, harcelés et mourant sans pouvoir se défendre, les Lacédémoniens voient, pour surcroit de maux, marcher contre eux ces hoplites. Ils fuient : les uns tombent dans la mer ; les autres, avec leurs cavaliers, en petit nombre, arrivent sains et saufs au Léchée. Dans tous ces combats, ainsi que dans la fuite, il périt environ deux cent cinquante hommes. Telle fut l’issue de cette affaire.

Agésilas prenant la more vaincue, en laissa une autre au Léchée et reprit le chemin de Lacédémone. Il n’entrait que fort tard dans les villes, il en sortait le plus matin possible. Parti d’Orchomène de grand matin, il passa avant le jour sous les murs de Mantinée, persuadé que les soldats verraient avec peine les Mantinéens joyeux de leur disgrâce.

Iphicrate ne borna pas la ses exploits. Praxitas avait mis des garnisons dans Sidonte et Crommion ; dans l’affaire du Pirée, Agésilas s’était emparé d’Œnoa. Il reprit toutes ces places, à l’exception du Léchée, où les Lacédémoniens et leurs alliés avaient une bonne garnison. Les bannis de Corinthe, depuis cette défaite, n’osant plus de Sicyone faire des courses par terre, infestèrent les côtes, harcelèrent les Corinthiens, qui les harcelaient à leur tour.


CHAPITRE VI.


Peu de temps après, les Achéens, maîtres de Calydon, autrefois de la dépendance étolienne, se virent contraints d’envoyer garnison dans cette ville, les Calydoniens, à qui ils venaient d’accorder le droit de bourgeoisie, étaient assaillis par les Acarnaniens, secondés de quelques troupes de l’Attique et de la Bœotie. Les Achéens, vivement pressés par l’ennemi, députèrent à Lacédémone.

Admis dans l’assemblée, les députés s’exprimèrent ainsi : « Lacédémoniens, votre conduite à notre égard n’est pas juste. Nous prenons les armes avec vous lorsque vous nous l’ordonnez ; nous vous suivons partout où il vous plaît de nous conduire. Vous, au contraire, qui nous voyez pressés par les Acarnaniens et par ceux de l’Attique et de la Bœotie, leurs alliés, vous n’y faites aucune attention. Si vous persistez dans cette indifférence, nous ne serons plus en état de résister à l’ennemi ; et alors, ou nous retirerons nos troupes du Péloponnèse, et nous traverserons l’Achéloüs pour porter la guerre chez les Arcananiens et leurs alliés, ou nous ferons la paix aux conditions les plus favorables qu’il nous sera possible. »

C’était, et mots couverts, menacer les Lacédémoniens de renoncer à leur alliance, s’ils n’envoyaient des secours. Les éphores et l’assemblée décidèrent donc qu’on prendrait les armes avec les Achéens contre les Acarnaniens. Agésilas fut envoyé avec deux mores et nombre d’alliés, auxquels les Achéens réuniront toutes leurs forces. Aux approches d’Agésilas, tous les Acarnaniens des campagnes s’enfuirent dans les villes, emmenant au loin leurs troupeaux pour les garantir de la main des soldats. Agésilas, arrivé à la frontière ennemie, dépêche à Strate, où se tenaient les états des Acarnaniens, pour leur déclarer que s’ils ne quittaient point l’alliance de Thèbes et d’Athènes pour celle des Spartiates et des Achéens, il se répandrait dans toute la province, qui bientôt n’offrirait que des ruines.

Le message ne fut point accueilli : Agésilas tint parole. Il se mit à ravager le territoire, sans en rien épargner ; mais il n’avançait par jour que de dix à douze stades. Les Acarnaniens, rassurés par la lenteur de sa marche, ramenaient leurs troupeaux des montagnes dans les plaines,