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et cultivaient une grande partie de leurs champs. Mais le quinzième ou le seizième jour de l’invasion, les jugeant dans une parfaite sécurité, il sacrifie le matin, fait cent soixante stades de chemin, et arrive, avant le soleil couché, près d’un étang, sur les bords duquel paissaient presque tous les troupeaux des Acarnaniens. il prit quantité de bœufs et de chevaux, du bétail de toute espèce et beaucoup d’esclaves. Le lendemain, il s’arrêta pour vendre le butin. Il campait sur le penchant de la montagne, lorsque des peltastes acarnaniens, armés de dards et de frondes, se rassemblent sur les hauteurs, le harcèlent impunément et contraignent ses soldats de quitter les apprêts de leur souper et de descendre en plaine.

La nuit venue, après la retraite des Acarnaniens, l’armée lacédémonienne posa des sentinelles et prit du repos. Le lendemain, Agésilas voulut se retirer ; le vallon où était l’étang avait une issue fort étroite, à cause des montagnes environnantes ; les Acarnaniens s’emparent de ces montagnes latérales, lancent d’en haut et dards et javelots, descendent jusque sur les bords des montagnes, d’où ils pressent et incommodent tellement ses troupes qu’elles ne peuvent plus marcher.

Ses hoplites et sa cavalerie poursuivaient les Acarnaniens sans leur faire aucun mal ; car, toutes les fois que ceux-ci reculaient, c’était pour se réfugier dans des lieux hérissés de rocs. Agésilas sentit bien qu’étant assailli avec un tel acharnement, il ne se tirerait pas de ces gorges. Il résolut donc de déloger ceux des ennemis qui étaient sur la gauche, quoiqu’en grand nombre, parce que la montée était plus facile de ce côté-là pour des hoplites et des cavaliers. Mais tandis qu’il sacrifiait, l’ennemi s’avançant incommoda ses gens à coups de traits et en blessa plusieurs. Alors il commanda aux hoplites qui avaient dépassé de quinze ans l’âge de puberté de se détacher pour donner avec la cavalerie ; pour lui, il suivit avec le reste de l’armée.

Aussitôt ceux des Acarnaniens qui étaient descendus pour escarmoucher, plièrent, fuirent et périrent en gravissant la montagne. Sur la cime, restaient en bataille rangée et leurs hoplites et quantité de peltastes, qui lançaient même des piques, dont ils blessèrent des cavaliers et tuèrent des chevaux. Mais à l’approche des hoplites lacédémoniens, ils plièrent et perdirent ce jour-là près de trois cents hommes. Après cet exploit, Agésilas dressa un trophée, puis traversa le pays ennemi, où il mit tout à feu et à sang. Il attaqua quelques places, à la prière des Achéens ; mais il n’en prit pas une seule.

L’automne venu, il sortit d’Acarnanie. Les Achéens, considérant qu’ils n’avaient rien fait, puisqu’ils n’avaient pris aucune ville, ni de force ni par composition, lui demandèrent, pour toute grâce, de rester le temps nécessaire pour empêcher les semailles des Acarnaniens. Agésilas leur répondit que ce qu’ils demandaient était contraire à leurs intérêts, qu’il ferait l’année suivante une nouvelle campagne, et que plus les Acarnaniens auraient semé, plus ils souhaiteraient la paix. Après leur avoir fait cette réponse il se retira par l’Étolie. Ni une grande ni une petite armée ne pouvait la traverser malgré les Étoliens. Ils lui laissèrent un libre passage, dans l’espérance qu’il les aiderait à prendre Naupacte. Arrivé à Rhium, il se vit obligé, pour retourner à Sparte, de traverser le détroit, parce que des galères athéniennes, venues des Œniades, l’empêchaient de faire voile de Calydon dans le Péloponnèse.


CHAPITRE VII.


Quand l’hiver fut passé, Agésilas fit au printemps une levée pour retourner contre les Acarnaniens. Ceux-ci voyant que leurs villes, situées au milieu des terres, ne seraient pas moins assiégées par le ravage des moissons que par un blocus, députèrent à Sparte, firent la paix avec les Achéens et alliance avec les Lacédémoniens. Ainsi finit la guerre d’Acarnanie.

Après cela, les Lacédémoniens jugèrent qu’il serait dangereux de porter la guerre chez les Bœotiens ou les Athéniens, en laissant derrière eux une grande ville, ennemie et limitrophe de Sparte. On ordonne donc une levée de troupes contre Argos. Agésipolis, instruit que le commandement lui en était déféré, fit les sacrifices diabatères, obtint d’heureux présages et alla ensuite consulter Jupiter Olympien, pour savoir s’il pouvait en conscience refuser la trève que lui offraient les Argiens, puisqu’ils prétextaient les mois sacrés, non en temps convenable, mais lorsqu’une invasion les menaçait. Le dieu lui ré-