Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/43

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Délos, et les assemblées se faisaient dans le temple.

XCVII. Ce fut en commandant aux alliés, qui conservèrent d’abord leurs propres lois, et qui délibéraient sur l’intérêt général dans des assemblées communes, que les Athéniens, depuis la guerre des Mèdes jusqu’à celle que j’écris, s’élevèrent à un si haut degré de puissance par les armes et par le maniement des affaires. Ils eurent à combattre et les Perses, et ceux de leurs alliés qui tentaient des révolutions, et les peuples du Péloponnèse, qui toujours s’immisçaient dans ces querelles. J’ai écrit ces événemens, et me suis permis cette digression, parce que c’est une partie de l’histoire qu’ont négligée tout ceux qui m’ont précédé. Ou ils n’ont traité que ce qui s’est passé dans la Grèce avant la guerre des Mèdes, ou cette guerre elle-même. Hellanicus, dans son histoire de l’Attique, a touché ces faits, mais en abrégé, et sans les rappeler exactement à l’ordre des temps. Cependant c’est en montrant la manière dont s’est établie la domination des Athéniens qu’on peut la faire connaître.

XCVIII. D’abord, sous le commandement de Cimon, fils de Miltiade, ils prirent d’assaut Eion, sur le lac Strymon, place occupée par les Mèdes, et réduisirent les habitans en servitude. Ils firent ensuite éprouver le même sort à ceux de Scyros, île de la mer Égée qui appartenait aux Dolopes, et ils y envoyèrent une colonie. Ils firent ensuite la guerre aux Carystiens : le reste de l’Eubée n’y prit aucune part, et ces hostilités finirent par un accord. Une autre guerre suivit contre les habitans de Naxos, qui s’étaient détachés de la république. Ils furent assiégés et se soumirent. C’est la première ville alliée qui, contre l’usage, ait été réduite à la condition de sujette. D’autres eurent ensuite le même sort suivant les circonstances.

XCIX. Les défections des alliés eurent différentes causes. Les principales furent des refus de contributions en argent ou en vaisseaux ; et pour quelques-unes, celui de servir dans les armées ; car les Athéniens exigeaient ces tributs à la rigueur, et ils faisaient ainsi des mécontens, en obligeant à la fatigues des gens qui n’avaient ni l’habitude ni la volonté de les supporter. D’ailleurs ils ne commandaient plus avec la même douceur ; ils ne se montraient plus les égaux de leurs compagnons d’armes ; et ils avaient bien moins de peine à réduire les alliés qui les abandonnaient. On pouvait en accuser les alliés eux-mêmes : paresseux à faire la guerre et à s’éloigner de leurs foyers, la plupart, au lieu de fournir leur contingent en vaisseaux, et de les monter eux-mêmes, s’étaient imposé des taxes proportionnées à la dépense. Comme ils contribuaient aux frais, les Athéniens augmentèrent leur marine, et les alliés, quand il leur arrivait de tenter une défection, se trouvaient sans préparatifs et sans ressources pour la soutenir.

C. Ce fut après ces événemens que se livra, près du fleuve Eurymédon, dans la Pamphylie, un combat de terre et un combat naval des Athéniens et de leurs alliés contre les Mèdes. Les Athéniens remportèrent la victoire dans ces deux combats, en un même jour, sous le commandement de Cimon. Ils prirent et détruisirent la flotte des Phœniciens, forte de deux cents vaisseaux.

Quelque temps après, les Thasiens se détachèrent de leur alliance. Le motif de cette rupture fut quelque différend au sujet de leurs mines et des comptoirs qu’ils avaient dans la partie de la Thrace qui regarde leur île. Les Athéniens se portèrent à Thasos, furent victorieux dans on combat naval, et firent une descente dans l’île.

Vers le même temps, ils envoyèrent sur les bords du Strymon dix mille hommes, tant des leurs que des alliés, fonder une colonie à l’endroit qu’on appelait alors les Neuf-Voies, et qui se nomme maintenant Amphipolis. Ils s’en emparèrent sur les Édoniens qui l’occupaient ; mais s’étant enfoncés dans l’intérieur de la Thrace, ils furent défaits à Drabesque, dans l’Édonie, par les Thraces, qui les attaquèrent en commun, regardant l’établissement qu’on faisait aux Neuf-Voies comme un fort qu’on élevait contre eux.

CI. Les habitans de Thasos, vaincus dans plusieurs combats et assiégés, implorèrent les Lacédémoniens et les engagèrent à opérer en leur faveur une diversion en se jetant sur l’Attique. Les Lacédémoniens le promirent à l’insu des Athéniens, et ils auraient tenu leur parole, mais un tremblement de terre les empêcha de la remplir. Les Hilotes, ainsi que les Thuriates et les