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Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/44

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Éthéens, qui étaient voisins de Lacédémone, profitèrent de l’occasion pour secouer le joug et se réfugier à Ithôme. La plupart des Hilotes tiraient leur origine des anciens Messéniens, qui avaient été réduits en servitude, ce qui leur fit donner à tous le nom de Messéniens. Les Lacédémoniens eurent donc une guerre à soutenir contre les révoltés d’Ithôme.

Quant aux Thasiens, après trois ans de siège, ils se rendirent aux Athéniens, qui leur prescrivirent de détruire leurs murailles, de livrer leurs vaisseaux, et de leur donner une somme à laquelle ils furent taxés : on les obligea à en payer tout de suite une partie, sans préjudice du reste. Ils s’engagèrent aussi à céder leurs mines et tout ce qu’ils possédaient sur le continent.

CII. Les Lacédémoniens, voyant se prolonger leur entreprise sur Ithôme, implorèrent le secours de leurs alliés et celui des Athéniens[1]. Ceux-ci vinrent en grand nombre, sous le commandement de Cimon. On les avait mandés sur l’opinion de leur habileté à battre les murailles : comme le siège traînait en longueur, on sentait la nécessité de cet art. Ce fut dans cette campagne que se manifesta, pour la première fois, la mauvaise intelligence d’Athènes et de Lacédémone ; car les Lacédémoniens voyant que la place n’était pas enlevée de vive force, craignirent l’humeur audacieuse des Athéniens et leur caractère remuant. Ils ne les regardaient pas comme un peuple de leur race, et ils appréhendaient que, pendant leur séjour devant Ithôme, ils ne se laissassent gagner par ceux qui s’y étaient renfermés, et ne causassent quelque révolution. Ce furent les seuls des alliés qu’ils renvoyèrent, sans manifester cependant leurs soupçons, mais sous prétexte qu’ils n’avaient plus besoin de leurs secours. Les Athéniens n’en sentirent pas moins qu’on n’avait pas de bonnes raisons de les renvoyer, et qu’il était survenu quelque défiance. Indignés de cet affront, et ne se croyant pas faits pour être ainsi traités par les Lacédémoniens, à peine retirés, ils abjurèrent l’alliance qu’ils avaient contractée avec eux dans la guerre médique, et s’allièrent avec les Argiens, ennemis de Lacédémone. En même temps ces deux nouveaux alliés s’unirent par les mêmes sermens avec les Thessaliens.

CIII. Enfin, après dix ans, ceux d’Ithôme, ne pouvant plus résister, capitulèrent avec les Lacédémoniens. Il fut convenu qu’ils sortiraient du Péloponnèse sous la foi publique, et n’y rentreraient jamais, sous peine, pour celui qui serait pris, d’être esclave de qui l’aurait arrêté. Les Lacédémoniens avaient reçu auparavant de Delphes un oracle qui leur ordonnait de laisser partir les supplians de Jupiter Ithométas[2]. Ceux-ci eurent donc la liberté de sortir avec leurs femmes et leurs enfans. Les Athéniens s’empressèrent de les recevoir en haine de Lacédémone, et les envoyèrent en colonie à Naupacte, qu’ils se trouvaient avoir pris récemment sur les Locriens-Ozoles.

Les Mégariens recoururent aussi à l’alliance d’Athènes. Ils se détachaient de Lacédémone, parce que Corinthe leur faisait la guerre pour les limites réciproques. Ainsi les Athéniens acquirent Mégare et Pègues. Ce furent eux qui construisirent pour les Mégariens les longues murailles qui vont de leur ville jusqu’à Nisée, et ils y mirent garnison. C’est principalement de cette époque que commença la haine envenimée de Corinthe contre Athènes.

CIV. Cependant Inarus, fils de Psammétique, et roi des Libyens qui touchent à l’Égypte, partit de Marée, ville au-dessus du Phare, fit soulever la plus grande partie de l’Égypte contre le roi Artaxerxès, et, nommé lui-même chef des rebelles, il appela les Athéniens[3]. Ils étaient à Cypre avec deux cents vaisseaux, tant d’Athènes que des alliés. Ils abandonnèrent Cypre pour se rendre à l’invitation d’Inarus ; entrèrent dans le Nil, le remontèrent, et se rendirent maîtres de ce fleuve et de deux quartiers de Memphis ; ils assiégèrent le troisième, qui se nomme le Mur-Blanc. C’était là que s’étaient réfugiés les Perses, les Mèdes et ceux des Égyptiens qui n’étaient pas entrés dans la rebellion.

CV. D’un autre côté, les Athéniens firent une descente à Halies et livrèrent bataille aux Corinthiens et aux Épidauriens. Ce furent les Corinthiens qui remportèrent la victoire. Les Athéniens furent victorieux à leur tour près de Cécryphalie, dans un combat naval contre les Péloponnésiens.

  1. Vers l’an 464 avant l’ère vulgaire.
  2. Jupiter Ithométas. J’ai mieux aimé conserver cette terminaison sonore, que de la franciser et d’écrire Jupiter Ithomien.
  3. Vers l’an 462 avant l’ère vulgaire.