Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/64

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et par le peuple, ni tous les vases sacrés qui servaient aux pompes et aux jeux, ni les dépouilles des Mèdes, et autres richesses du même genre qu’on ne pouvait estimer moins de cinq cents talens[1]. Il ajouta les trésors assez considérables des autres temples dont on pourrait se servir : et si toutes ces ressources ne suffisaient pas, on pourrait faire usage de l’or dont était ornée la statue de la déesse elle-même ; il montra que cet or pur pesait quarante talens[2], et qu’il pouvait s’enlever. Mais il observa que si, pour le salut public, on se servait de ces trésors, il faudrait les remplacer dans leur totalité.

Tels furent les sujets d’encouragement qu’il leur montra dans leurs richesses. Il fit voir aussi qu’on avait treize mille hommes pesamment armés, sans compter ce qui était dans les garnisons, ou employé à la défense des murailles, qui se montait à seize mille hommes : car tel était le nombre de ceux qui les gardaient à l’époque où les ennemis se jetèrent sur l’Attique. C’étaient des vieillards hors de l’âge du service, des jeunes gens qui n’avaient pas encore atteint l’âge de la milice ; et tout ce qu’il y avait de simples habitans en état de faire le service d’hoplites. Le mur de Phalère avait trente-cinq stades[3] jusqu’à l’enceinte de la ville, et la partie de cette enceinte qu’il fallait garder était de quarante-trois stades. On laissait sans gardes ce qui est entre le long mur et le mur de Phalère. Les longues murailles jusqu’au Pirée étaient de quarante stades, et l’on faisait la garde à la face extérieure. Le circuit du Pirée, en y comprenant Munychie, était en tout de soixante stades, dont on ne gardait que la moitié. Il montra qu’on avait douze cents hommes de cavalerie, en y comprenant les archers à cheval, seize cents archers, et trois cents hommes en état de tenir la mer.

Tel était l’appareil des Athéniens, sans qu’il y ait rien à réduire dans aucune partie, au moment où les Péloponnésiens allaient faire leur première invasion dans l’Attique, et qu’eux-mêmes se préparaient à la guerre. Périclès, suivant sa coutume, ajouta tout ce qui pouvait leur faire connaître qu’ils auraient la supériorité.

XIV. Ils l’écoutèrent et le crurent. Ils trans portèrent à la ville leurs femmes, leurs enfans et tous les ustensiles de leurs maisons, dont ils enlevèrent jusqu’à la charpente. Ils envoyèrent dans l’Eubée et dans les îles adjacentes, les troupeaux et les bêtes de somme. Accoutumés, comme l’étaient la plupart, à passer leur vie à la campagne, ce déplacement leur était bien dur.

XV. Dès la plus haute antiquité, les Athéniens étaient dans cet usage plus qu’aucun peuple de la Grèce. Sous Cécrops et les premiers rois, l’Attique fut toujours habitée par bourgades qui avaient leurs prytanées et leurs archontes. Dans les temps où l’on était sans crainte, ils n’allaient pas s’assembler en conseil pour délibérer avec le roi : les habitans de chaque bourgade délibéraient et prenaient conseil entre eux. Il arrivait même à quelques-unes de lui faire la guerre : ce fut ainsi que les Éleusiniens la firent à Érechtée conjointement avec Eumolpus. Mais sous le règne de Thésée, entre diverses institutions qui tendaient à l’avantage de l’Attique, ce prince, qui joignait la sagesse à la puissance, abolit les conseils et les premières magistratures des bourgades, rassembla tous les citoyens dans ce qui est à présent la ville, et y institua un seul conseil et un seul prytanée. Les Athéniens continuèrent d’habiter et de cultiver leurs champs ; mais il les força de n’avoir que cette ville : devenue un centre commun, elle s’agrandit, et elle était considérable quand Thésée la transmit à ses successeurs.

Depuis cette époque jusqu’à nos jours, les Athéniens célèbrent en l’honneur de la déesse[4] une fête publique qu’ils appellent xynœcia. Auparavant, ce qu’on nomme aujourd’hui Acropole ou citadelle, était la ville, et elle comprenait aussi la partie qu’elle domine qui est tournée du côté du midi. Il en reste une preuve ; car sans parler des temples de plusieurs divinités qui sont dans l’Acropole, c’est surtout vers cette partie de la ville, en dehors de la citadelle, que s’élève le temple de Jupiter, surnommé Olympien, celui d’Apollon Pythien,

  1. Deux millions sept cent mille livres.
  2. Deux cent seize mille livres.
  3. Il faut compter vingt-sept stades, cinquante-une toises et demie pour une de nos lieues de deux mille cinq cent toises.
  4. Quand il s’agit d’Athènes, la déesse par excellence es Minerve, qui se nommait en grec Athéné.