leur camp. Ils ne furent instruits de l’événement que par les fuyards qui vinrent se jeter au milieu d’eux. Ils les reçurent, ne formèrent qu’un seul camp, et se tinrent en repos toute la journée. Les Siratiens n’en vinrent pas aux mains avec eux, parce qu’ils n’étaient pas encore renforcés par les autres Acarnanes, et ils ne pouvaient s’ébranler sans être soutenus par des troupes d’armure complète. Ils se contentèrent donc de leur lancer des pierres et de les harceler. Les Acarnanes passent pour d’excellens frondeurs.
LXXXII. La nuit venue, Cnémus se hâta de gagner avec son armée le fleuve Anapus, à quatre-vingts stades[1] de Stratos, et le lendemain il obtint la permission d’enlever les corps des hommes qu’il avait perdus. Les Œniades vinrent le trouver en qualité d’amis ; il se retira sur leurs terres avant que les alliés ennemis fussent arrivés, et de là chacun rentra dans son pays. Les Siratiens dressèrent un trophée pour la victoire qu’ils avaient remportée sur les Barbares.
LXXXIII. La flotte des Corinthiens et des autres alliés, qui devait partir du golfe de Crisa pour se joindre à Cnémus et empêcher les Acarnanes des bords de la mer de venir au secours des autres, ne put remplir sa destination : précisément lorsqu’on s’était battu à Stratos, elle avait été forcée d’accepter le combat contre les vingt vaisseaux d’Athènes qui gardaient Naupacte, et que commandait Phormion. Il observait le moment où elle sortirait du golfe en rasant la côte, et son dessein était de l’attaquer dans une mer ouverte. Les Corinthiens et les alliés voguaient vers l’Acarnanie, disposés à combattre sur terre et non pas à soutenir un combat naval, ils n’imaginaient pas que les Athéniens, avec vingt vaisseaux, eussent l’audace d’en attaquer quarante-sept. Ils longeaient la côte, et de Patrès, ville d’Achaïe, ils passaient au continent opposé, où est située l’Acarnanie, quand ils les virent déboucher de Chalcis et du fleuve Événus et s’avancer à leur rencontre. La nuit ne put les empêcher de les voir mettre en rade, ce fut ainsi qu’ils furent obligés d’accepter la bataille au milieu du détroit. Chaque ville avait ses commandans qui les disposèrent au combat ; ceux de Corinthe étaient Machon, Isocrate et Agatarchidas. Les Péloponnésiens rangèrent leurs navires en cercle et tinrent ce cercle le plus étendu qu’il leur fut possible, pour empêcher les ennemis de pénétrer dans leur flotte : les proues étaient en dehors et les poupes en dedans. Ils placèrent au centre les petits bâtimens qui les accompagnaient, et cinq de leurs vaisseaux qui manœuvraient le mieux et qui devaient se jeter, de peu de distance, sur les ennemis, s’il leur arrivait de faire quelque attaque.
LXXXIV. Les vaisseaux athéniens, rangés en file, couraient autour du cercle, le resserraient toujours davantage et ne cessaient de raser les vaisseaux ennemis qu’ils semblaient près d’attaquer. Mais Phormion avait défendu d’en venir aux mains avant que lui même eût donné le signal ; il espérait que la flotte ennemie ne garderait pas son ordre de bataille comme une armée de terre ; mais que les vaisseaux seraient poussés les uns contre les autres et que les petits bâtimens ne manqueraient pas de causer du trouble. Il continuait sa course circulaire, en attendant un vent qui a coutume de s’élever au point du jour, et qui, soufflant du golfe, ne permettrait pas aux ennemis de garder un instant le même ordre. Comme ses vaisseaux manœuvraient bien mieux, il se croyait maître de choisir à son gré le moment de l’attaque, et il pensait que ce devait être celui oû le vent viendrait à souffler. Il s’éleva ; déjà la flotte ennemie se trouvait resserrée, parce que le vent la tourmentait et qu’elle se trouvait embarrassée par les petits bâtimens. Tout était en désordre, les vaisseaux heurtaient les vaisseaux ; on se repoussait à coups d’avirons, on criait, on tâchait de s’éviter, on se disait des injures : ordres, conseils, rien n’était entendu ; les équipages sans expérience ne pouvaient lever les rames contre les efforts de la mer agitée, et les navires n’obéissaient pas aux manœuvres des pilotes.
Le moment était favorable : Phormion donna le signal, les Athéniens attaquent, et pour premier exploit, ils coulent bas l’un des navires montés par les généraux. Partout où ils s’ouvrent un passage, ils brisent les vaisseaux ; personne n’ose revenir à la charge et leur opposer la force : tout est dans l’épouvante, tout fuit vers Patrès et Dymé, dans l’Achaïe. Les Athéniens poursuivent les vaincus, prennent douze vaisseaux, égorgent la plupart de ceux
- ↑ Un peu plus de trois lieues.