Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/94

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florissant, que les huit souverains ensemble qui l’avaient précédé[1].

De Dobère, l’armée des Thraces tomba sur ce qui avait composé la domination de Philippe, prit de force Idomène, et par accord, Gortynie, Atalante et quelques autres places. Elles se rendirent par inclination pour Amyntas, fils de Philippe, qui se trouvait dans cette armée. Ils assiégèrent Europus et ne purent s’en rendre maîtres. Ils s’avancèrent ensuite dans la partie de la Macédoine qui est à gauche de Pella et de Cyrrhus, et ne pénétrèrent pas plus avant sur le territoire de la Bottie et la Picrie ; mais ils ravagèrent la Mygdonie, la Grestonie et l’Anthémonte. Les Macédoniens ne crurent pas devoir leur opposer de l’infanterie, mais ils tirèrent de leurs alliés de l’intérieur de la cavalerie, et malgré l’infériorité du nombre, ils se jetaient sur le camp des Thraces quand ils pouvaient espérer de l’avantage. Vaillante et bien cuirassée, partout où fondait cette cavalerie, personne n’osait en soutenir le choc. Cernée par la foule des ennemis, elle osait encore braver le danger, et la grande supériorité du nombre ; mais elle cessa d’agir enfin, se croyant incapable de résister à des forces trop disproportionnées.

CI. Cependant Sitalcès fit porter des paroles à Perdiccas, et lui envoya déclarer les motifs de son expédition. La flotte des Athéniens n’arrivait pas ; ils avaient douté qu’il se mît en marche, et ne lui avaient fait passer qu’une députation et des présens. Il fit donc marcher seulement une partie de son armée contre les Chalcidiens et les Bottiéens, les poussa dans leurs forts et ravagea leur pays. Pendant qu’il y campait, les Thessaliens méridionaux, les Magnètes, les autres sujets de la Thessalie et même les Grecs, jusqu’aux Termopyles, craignirent que cette armée ne vînt les attaquer et se tinrent sur leurs gardes. Les mêmes craintes étaient partagées par les Thraces septentrionaux qui occupent les plaines situées au-delà du Strymon, par les Panéens, les Odomantes, les Droens et les Derséens, tous peuples libres. Sitalcès donna lieu au bruit qui court parmi les Grecs ennemis d’Athènes, que ceux qui avaient été attirés par cette république elle-même à titre d’alliés, pourraient bien finir par marcher contre elle. Il occupait et ravageait à la fois la Chalcidique, la Bottique et la Macédoine ; cependant il ne remplit aucun objet de son entreprise : son armée manquait de vivres et avait beaucoup à souffrir des rigueurs de l’hiver. Il se laissa donc persuader par Seuthès son neveu, fils de Sparadocus, qui avait après lui le plus grand pouvoir, de ne pas différer sa retraite[2]. Perdiccas s’était attaché secrètement Seuthès, par la promesse de lui donner sa sœur en mariage avec de grandes richesses. Sitalcès, subjugué par les avis de son neveu, regagna précipitamment ses états, après avoir tenu la campagne trente jours entiers, dont il avait passé dix dans la Chalcidique. Perdiccas remplit sa promesse, et donna dans la suite sa sœur Stratonice à Seuthès. Voilà quelle fut l’expédition de Sitalcès.

CII. Dans le même hiver[3], après que la flotte du Péloponnèse fut retirée, les Athéniens, qui étaient à Naupacte sous le commandement de Phormion, suivirent la côte et attaquèrent Astacus. Ils firent une descente et pénétrèrent dans l’intérieur de l’Acarnanie. Ils avaient quatre cents hoplites athéniens qui étaient venus sur la flotte, et autant d’hoplites de Messène. Avec ces forces, ils chassèrent de Stratos, de Corontes et d’autres endroits les hommes dont ils soupçonnaient la fidélité, ils rétablirent à Corontes Cynès, fils de Théolutus, et remontèrent sur leurs vaisseaux : car ils ne croyaient pas pouvoir attaquer, en hiver, les Œniades, seuls ennemis irréconciliables des Acarnanes. En effet, le fleuve Achéloüs, qui coule du Pinde à travers le pays des Dolopes, des Agraens, des Amphiloques et les plaines de l’Acarnanie, se jette à la mer entre Stratos et les Œniades, et, changeant en marais les environs de leur ville, il les inonde, et les rend en hiver impraticables aux ennemis. La plupart des îles Échinades gisent en face des Œniades, et sont près de l’embouchure de l’Achéloüs. Comme ce fleuve est considérable, il y porte sans cesse des sables, et plusieurs de ces îles se sont changées en continent. On croit qu’il ne faudra pas un long espace de temps

  1. Ces huit souverains avaient été Perdiccas, Arée ou Argée, Philippe, Æropus, Alcétas, Amyntas, Alexandre, Perdiccas.
  2. Novembre.
  3. Troisième année de la guerre du Péloponnèse, quatrième année de la quatre-vingt-septième olympiade, quatre cent vingt-neuf ans avant l’ère vulgaire. Après le mois de janvier et avant le mois d’avril.