Page:Tiercelin - Bretons de lettres, 1905.djvu/181

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toute la famille. » N’est-ce pas cette disposition aussi qui a pu souvent arrêter sa marche vers la lumière et l’immobiliser parfois ? Hérédités mystérieuses !


Mathias avait dix-sept ans, quand mon cousin, qui en avait vingt-trois, le vit pour la première fois ; mais il paraissait plus vieux que son âge. Son front large et ses yeux bleus rayonnaient d’intelligence et d’idéalité, mais le front semblait déjà presque meurtri par la pensée et les yeux comme pâlis par les larmes. Il avaîl aimé ; il avait pensé !

Amédée Le M… se prit d’affection pour cet enfant précoce, égaré dans ce milieu bizarre et perdu, dans ce grand Paris tentateur. Il crut, lui aussi, à la prédestination de Villiers, mais il se demandait avec inquiétude, lui, catholique fervent, quel serait le rôle de la foi dans l’évolution de ce génie. Son inquiétude croissait chaque jour. Villiers n’avait à ce moment ni l’ardeur mystique du poète ni la forte certitude du philosophe chrétien, que son pieux ami lui souhaitait pour son salut et pour sa gloire. Il avait perdu la foi de son enfance, sa douce foi de fils pieux de la Bretagne et de l’Église, la jolie foi qui duvète si poétiquement les jeunes âmes. Son instruction s’était faite un peu