Page:Tinayre - Avant l amour.pdf/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
172
avant l’amour

— Vieux roquentin ! murmura Montauzat, appuyé à ma chaise, tandis que madame Gannerault se levait.

— Ne vous moquez pas de lui. C’est mal, dis-je avec humeur.

— Vous ne semblez pas contente, ce soir, mademoiselle Marianne ?

Je le regardai de côté, avec une impatience dédaigneuse. Certes, il avait une belle audace de ridiculiser le pauvre père Rochambeau. Soigneusement teint, il se maintenait presque jeune d’apparence par un sage emploi de l’hydrothérapie, du massage, de l’escrime, et une plus sage économie de ses plaisirs. Médiocrement riche pour le monde des grands viveurs, il éblouissait les gogos de la bourgeoisie. Beaucoup de femmes l’eussent accepté pour amant, beaucoup de jeunes filles le souhaitaient pour mari. Sceptique, d’intelligence ordinaire, de sens dépravés, de goûts brutaux, il tirait parti de ses vices mêmes, et ce débauché sans furie et sans grâce revêtait près des snobs la gloire de don Juan.