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avant l’amour

demeuraient indifférents et raides sous leur frisure, la frange du brassard battant leurs coudes, un frisson passait-il sous les mousselines virginales ? Ces gamins de douze ans étaient bien des gamins, mais beaucoup parmi ces filles de douze ans étaient presque femmes, et leurs lèvres se plaisaient à prononcer ces mots de bien-aimé, d’union, d’amour dont elles pressentaient la volupté future, le sens terrestre, la douceur encore défendue. Mais quand nous allâmes à l’autel, je me ressouvins de tout ce que j’avais lu dans les livres, de la joie, de l’extase ineffable qu’on nous promettait. Et la communion accomplie, à me sentir si parfaitement maîtresse de moi, si calme, si tiède, j’éprouvai le sentiment d’une vague duperie, le froid d’une déception.

Beaucoup, parmi mes compagnes, pleuraient d’émotion nerveuse et les mères pleuraient comme elles. Quel sentiment faisait couler les larmes de ces femmes de trente ans, dans la force de leur jeunesse mûre, et qui se frappaient en secret la poitrine devant le voile