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Page:Tinayre - Avant l amour.pdf/61

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avant l’amour

de la tendresse partagée, l’extase des effusions, la douceur des confidences. Et brusquement, sans réfléchir ni m’interroger, je me jetai dans la foi comme je me serais jetée dans la passion. Je balbutiai, dans la prière, le langage instinctif de l’amante. La lecture de l’Imitation acheva de m’affoler. Certes, je ne le comprenais qu’à demi, et je l’interprétais étrangement, ce poème ardent et désolé du mystique amour, livre de vie, livre de mort qui tue dans les âmes la volonté de l’action et les stupéfie comme un narcotique. L’odeur du cloître m’enivra. Je vécus tout un hiver sur les confins de la réalité et du rêve, et je reçus du plus sévère des maîtres l’éducation même de l’amour.

Mon confesseur s’en effraya. Il m’interdit ces méditations, ces lectures, ces minutieuses pratiques qui occupaient et distrayaient mon cœur. Il voulut me ramener à la vie régulière, aux étroits devoirs, à cette médiocrité de sentiment qui m’avait révoltée naguère… Alors s’écroula l’édifice de ma vaine religiosité… Le