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Page:Tinayre - Gérard et Delphine - La Porte rouge.pdf/34

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        Chante, rossignol, chante,
        Toi qui as le cœur gai.
        Pour moi je ne l’ai guère :
        Mon ami m’a quittée.
  Il y a longtemps que je l’aime,
  Jamais je ne l’oublierai…

Quand Delphine PC tut, Gérard ne dit rien, et tous deux surent en même temps que leur gaîté volubile, masque de la plus délicieuse angoisse, était tombée. Chacun n’entendait plus que son cœur dans le silence. La femme sentait, à travers sa robe, le contact du regard qui la cherchait, en la faisant défaillir d’une douceur presque intolérable. Gérard dévêtait, en pensée, ce beau sein, ces beaux bras, tout le corps bien-aimé de Delphine. Et l’idée du don, et de la possession inévitables commençait de rougeoyer en eux, dans les ténèbres de l’instinct.

Moment unique de l’amour ! Un jeune homme, une jeune femme, seuls, face à face, dans la simple vérité de leurs sens et de leurs cœurs. Sans même unir leurs mains par-dessus la table qui les séparait, Delphine et Gérard savaient qu’ils étaient l’un à l’autre.

Quand ils sortirent, inaperçus comme à l’arrivée, le ciel occidental était un jardin de roses parmi les ramures noires des chênes. La terre craquante, la transparence immobile et glaciale de l’air, annonçaient la gelée nocturne.