Page:Tinayre - Gérard et Delphine - La Porte rouge.pdf/36

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lui, soumise et caressante. Elle ne s’était pas disputée à son désir. Elle ne lui avait pas fait jurer qu’il l’aimerait toujours. Elle s’était donnée avec une simplicité qui la sauvait de l’impudeur. Il la revit, nue et blanche, emportée dans cette fête où elle le suivait et l’entraînait tour à tour, tantôt pâle, les yeux fermés, les cils humides, tandis que naissait sur les lèvres froides un sourire inconnu et si beau, tantôt penchée sur lui, attendrie par une lassitude délicieuse, et lui caressant la joue de son sein de rose et de ses cheveux répandus.

La douleur exorcisée s’éloignait. Affaiblie, mais douce encore, la musique du bonheur recommençait de vibrer aux profondeurs de l’être. Gérard songeait au vœu de son adolescence, lorsqu’il rêvait de connaître l’amour dans l’amour. Sur le chemin de sa jeunesse, des passantes avaient passé, mais le don de Delphine était une initiation nouvelle qui dépassait le secret charnel. Au soir de la vie, pensa-t-il, l’homme qui se retourne vers ses vingt ans doit évoquer l’image de Celle qui a été « la première »… Pour lui, — Gérard le savait maintenant — « la première », c’était Delphine.