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Hellé

jardin immense, patrie des fruits vermeils et des fleurs, décor unique dont le thème éternel subsistait en mes plus vagues imaginations. Sous le figuier aux feuilles veloutées, entre les bardanes énormes et les bourraches sauvages qui épanouissent des étoiles bleues sur leurs grosses tiges hérissées d’un duvet d’argent, la petite Hellé apparaît dans mes souvenirs, laissant chanter son âme balbutiante…



c’est là que mon oncle me surprit…

C’est là que mon oncle me surprit un jour, il m’écouta longtemps, caché entre les basses branches ; puis, quand je m’enfuis, toute confuse, il ramassa le livre oublié.

Le soir, après le repas, il me dit.

— Qui t’a donné ce livre, Hellé ?

— Personne, mon oncle. Je l’ai trouvé, il y a longtemps.

— Tu l’as lu ?

— Oui, mon oncle.

— Peux-tu me raconter ce que tu as lu ?

Je mêlai les Sirènes aux Cyclopes, Nausicaa à Circé et le bon roi des Phéaciens aux méchants prétendants de Pénélope. Mon oncle m’écoutait avec une attention extrême. Enhardie, je lui récitai la première strophe du Vallon. Il parut troublé.

— C’est extraordinaire, en vérité ! dit-il à tante Angélie, qui redoutait une remontrance paternelle. Cette petite a le sens de la poésie. Je l’entendais chanter toute seule. L’assonance, la mesure, un essai de rythme, paraissent dans ses chansons d’enfant. Comment peut-elle se plaire à répéter des vers qu’elle ne comprend pas ? Et comme elle a su choisir, dans l’épopée homérique, les épisodes les plus caractéristiques !

Après deux ou trois expériences ana-