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Hellé

de Lamartine, qui portaient sur leur reliure rouge cette inscription : « Lycée de X… » dans une couronne de laurier presque effacée. La médiocre traduction abondait en platitudes et en fausses élégances ; mais le charme divin du vieil Homère persistait dans les récits, naïfs comme des contes de nourrice, dans le retour des épithètes merveilleuses qui hantaient mon imagination. J’ignorais la géographie et l’histoire, et je n’étais pas même sûre que la Grèce existât ou eût existé. Pourtant je la parcourais, créant des cités fabuleuses, des grottes, des plages, des mers, où je plaçais mes héros familiers. À peine, aujourd’hui, puis-je reconstituer ce travail spontané de mon intelligence qui ne me coûtait nul effort.



tante angélie m’indiqua les lettres…

Pendant une année, je ne fis rien autre chose que de relire ces deux volumes, écrire, barbouiller quelques dessins. Parfois, je m’amusais à redire tout haut, sur un mode instinctif de mélopée, les vers qui me plaisaient davantage, ces grands vers lamartiniens que j’aimais pour leur cadence noble et leurs mélancoliques sonorités. Puis, peu à peu, je les modifiai, je les adaptai à mes sensations d’enfant ; je répétai, à mon insu, pour exprimer ma joie devant la nature, les premiers balbutiements rythmiques de l’humanité. Qu’ils me semblent lointains, ces après-midi d’éclatant azur, où je ne voyais d’autres bornes à mon univers que les murs du