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Hellé

de châtaigniers, çà et là, une ligne de saules frissonnants et pâles indiquait le lit d’un ruisseau. La petite ville était derrière moi, invisible, absente, oubliée.

Le soleil s’abaissait. Mes yeux, qui buvaient sa lumière, saluèrent son orbe empourpré. Aucun nuage ne voila la splendeur de sa face quand il toucha la cime des châtaigniers. J’entendis, dans le silence du soir, passer l’écho sonore de la poésie antique, et mon âme, toute païenne et virginale, tressaillit d’un religieux émoi. Je me sentis entourée de présages, le cœur gonflé, les bras tendus vers le ciel de gloire, je me crus promise à l’amour d’un héros.



LES BRAS APPUYÉS SUR LA CRÊTE DU MUR…

IV


Mon oncle avait décidé de se fixer à Paris. J’obtins qu’il retardât notre départ de quelques semaines, car je désirais choisir les objets et les meubles que nous devions emporter. L’oncle Sylvain maugréa en se voyant abandonné des journées entières, mais je lui répondais en riant :

— Mon oncle, avez-vous oublié l’histoire d’Ischomaque et ses conseils à sa femme ? Je me souviens, moi, d’avoir expliqué Xénophon. La femme, dit-il doit être dans le logis comme la mère, abeille dans la ruche. Et il ajoute que les objets les plus vulgaires ont leur part de beauté quand ils sont bien rangés, « car ils sont la matière dont est faite la symétrie, qui est un commencement