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Hellé

de beauté ». Je vous assure, mon oncle, que Xénophon eût aimé voir ces cuivres éclatants et ces fruits vermeils ainsi disposés sur les étagères. J’ai honte de ne pas savoir tailler une robe à mon goût. Ma couturière n’a pas le sentiment de la ligne, et elle vous fait dépenser un argent que vous emploieriez mieux à acheter ces nouvelles éditions allemandes des Tragiques grecs dont vous avez si grande envie. Tante Angélie n’osait pas m’instruire dans cette science économique que vous paraissez mépriser. Laissez-moi me préparer à mes tâches futures, au nom de Socrate, qui m’approuverait certainement.

Je savais qu’en flattant la manie de l’oncle Sylvain, je le rendrais favorable à ma fantaisie. Il se résigna.



BABETTE SE PROSTERNA…

Les matinées brumeuses, les soirées fraîches, annoncèrent la fin de l’automne. Le givre étincela au reflet des aubes rouges, dans le jardin sans fleurs. Nous devions partir le 3 novembre, après la fête des Morts. Mon oncle, ferme comme un vieux stoïcien devant la succession des phénomènes, ignorait le culte des tombes. Il fuyait le tertre entouré de buis, le marbre pesant sur les os désagrégés dans l’argile, car les ombres des défunts qu’il avait aimés vivaient dans sa mémoire une vie fixe et divine, affranchie des outrages du temps. Il s’enferma dans sa bibliothèque pendant que je faisais, avec Babette, le pèlerinage annuel au tombeau de mes parents.

Nous traversâmes l’enclos peuplé de croix noires et blanches et de mausolées qui