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Hellé

aux discours de Clairmont, je regardai à peine le nouvel arrivant. Presque aussitôt mon oncle offrit son bras à madame Gérard et nous passâmes dans la salle à manger.



MON ONCLE OFFRIT SON BRAS…

Le voyage de Maurice fournit la matière de l’entretien pendant tout le repas. Le jeune homme parlait avec une grâce aisée et brillante qui révélait le poète et faisait paraître bien lourde l’éloquence professorale de M. Gérard. J’étais sensible à la musique du verbe autant qu’à la beauté de la forme, et, la nouveauté de mon plaisir m’empêchant de le discuter, je ne m’avisai point que cet art de décrire et d’évoquer ne servait pas l’idée originale, et que le magicien nous enchantait par une transfiguration habile du lieu commun. La personne de Maurice Clairmont s’adaptait admirablement au type du poète aventureux qui depuis Byron, émeut les imaginations adolescentes. Ce n’était plus la fine ironie parisienne, ni la correction du mondain, ni la componction du savant… C’était je ne sais quoi de jeune, d’ardent, d’heureux, où l’on sentait l’impatience de vivre et la certitude de triompher ; des yeux si beaux qu’ils semblaient créés pour refléter des spectacles de beauté éternelle, une voix où vibraient tous les timbres du bronze et de l’or. À peine, en causant avec Maurice, pouvais-je atténuer par une réserve apprise l’extrême plaisir que j’éprouvais à l’entendre, à le regarder. Aucun sentiment de coquetterie, pas même le confus émoi sensuel qui se mêle aux émotions