Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/116

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ces mêmes rides verticales qui sont les coups de griffes de la douleur.

Clarence dit enfin :

— Je ne t’ai pas vu depuis cinq ans, Pierrevaux, depuis… ton malheur… Tu défendais ta porte, toi aussi, tu vivais dans ton atelier, avec tes souvenirs… Et moi, j’étais trop heureux. Je n’osais point troubler ton deuil… Tu as cru, sans doute, que je t’oubliais… Et te voilà tout de même…

Pierrevaux répondit :

— Je savais bien que tu me recevrais, mon vieux, et je n’ai pas écouté ton larbin !… C’est une idée qui m’a pris, tout à coup, quand j’ai lu, dans un journal, que tu étais à Paris pour quelques jours… Oui, ça a remué en moi des choses, des choses !… Notre jeunesse… le bon temps avant ton mariage, à Rome… les camarades… tous dispersés ou morts… Hein ! tu te rappelles !… mon petit atelier de Montrouge ? Ma pauvre Madeleine, si jolie, si aimante… Elle était déjà malade !… C’est loin, tout ça !… Et puis, comme tu dis, j’étais devenu sauvage. Ton hôtel, tes domestiques, ta femme, ça me faisait peur… Je me rencoignais, je me cachais…