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Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/155

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— Va-t’en !…

— Tu es fou, Georges !… Tu me chasses, moi qui t’aime, moi qui ai tout supporté de toi et tout pardonné, moi, ta femme, ta compagne, ta consolatrice !

— Ma consolatrice !

Il eut un rire qui s’acheva en sanglot :

— Oui… oui… tu m’as consolé… tu n’avais rien pu contre mon amour ; mais ma douleur, qui était encore mon amour, tu l’as tuée… avec ta pitié, avec tes larmes, avec tes soins… Sans cesse, tu m’as détourné d’elle. Tu t’es mise entre elle et moi… J’étais malade ; tu m’as rendu lâche… J’étais faible ; tu m’as rendu médiocre… Alors, j’ai fini par t’écouter, par t’obéir, par te ressembler… Un artiste, moi ?… Allons donc !… Un bon mari, un mari repentant, un père de famille !… J’ai réparé le scandale de ma jeunesse ! J’ai mérité l’estime des bourgeois… Seulement… mon œuvre reflète ma vie !… Platitude et médiocrité !… Je n’ai pas su souffrir comme Pierrevaux… J’ai trahi, j’ai renié ce qui fut l’orgueil et la beauté de mon existence… Je me méprise ! Je me vomis !… Ah !… Ah !… tu m’as consolé !…