Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/216

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tourné vers le passé, et cette attitude morale lui a fait une âme singulière, un peu déviée, non point sournoise, mais secrète.

Jusqu’à treize ans, il a été un petit garçon robuste et joyeux, chéri par son tuteur, — maître Lebon, — qu’il appelle tendrement « oncle Bon », — par madame Isabelle Lebon, — « tante Belle », — par monsieur et madame Cheverny, ses parrain et marraine, qui représentent ses parents morts…

À l’arrière-plan de sa mémoire persistent pourtant des images confuses, dans une pâleur de limbes… C’est une bastide blanche, parmi des arbres qui sentent fort et ne donnent presque pas d’ombre… une femme, — sa nourrice, — coiffée d’un foulard rouge… un puits sous un grand figuier, parmi les bourraches bleues…

Dans ce temps-là, — plus lointain que l’aube du monde, — il n’y avait point d’oncle Bon ni de tante Belle, mais les Cheverny existaient.

Robert les revoyait chez sa nourrice, assis dans la cuisine fraîche et, une autre fois, debout contre la barrière du jardin… Madame Cheverny pleurait… Sa voilette relevée barrait son front…