Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/224

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L’enfant orgueilleux se cabrait : « Non ! » Il ne pouvait être fils de voleurs ou de forçats… Il repoussait en tremblant le soupçon sacrilège, il demandait pardon aux morts inconnus…

Et peu à peu, à force d’y songer, le Père, la Mère, qui étaient des mots, hier, — pas même des noms, — devenaient des êtres ranimés et recréés par l’imagination de leur fils… Robert leur prêtait des visages, des vêtements, un son de voix, des affections même et des désirs… Ces spectres rôdaient autour de sa vie, et jalousement il les gardait pour lui tout seul… La nuit, il les appelait, et, qu’il jouât ou étudiât, il les sentait proches…

Il eut treize ans, quatorze ans. Il fut le gamin dégingandé, aux bras trop longs, aux gestes gauches, qui se passionne pour la bicyclette et le foot-ball, lit les journaux de sport, et rêve de posséder une automobile. L’effervescence physique apaisa l’inquiétude de l’esprit. Robert crût en force et en beauté, comme ces jeunes peupliers des rives de Loire qui ont leurs racines dans le sol fécond et leurs têtes dans la lumière.

Vers cette époque, il entra au lycée de Blois. Madame Lebon obtint du proviseur l’autorisa-