Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/223

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« Je ne suis donc pas comme les autres ?… »

« Les autres », c’étaient les orphelins qu’il rencontrait à l’école, ou chez les amis de madame Lebon. Ceux-là connaissaient l’histoire de leur père et de leur mère ; ils en conservaient des reliques ; ils priaient, le soir, devant des portraits… Tous avaient des tuteurs, mais ils avaient un débris de famille, — aïeule, tante, cousins, — des êtres de leur race et de leur nom…

Qu’étaient monsieur et madame Marie ?… Et la famille Marie était-elle détruite, ou dispersée ?… Pas même un pauvre arrière-cousin. Et l’oncle Bon n’était pas un oncle « pour de vrai »… Cela devait être rare d’être orphelin à ce point-là !

Pourquoi les Cheverny, les Lebon, n’avaient-ils gardé aucun bibelot, aucun portrait des défunts ?… Pourquoi n’en parlaient-ils jamais ? Seule, la marraine avait dit, une fois : « Ta mère me ressemblait… » Étaient-elles sœurs, ou parentes ?

Peut-être les vivants, qui aimaient Robert, étaient-ils jaloux des morts que Robert eût aimés ?… Ou bien ces morts étaient-ils de ceux qu’on rougit d’avouer pour siens, qu’on renie ?…