Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/235

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— Oui… tu as une âme saine… la vie ne t’a pas forcé aux compromissions… Et tu seras un juge sévère pour ceux qui craignirent la vérité… avec les désastres qui la suivent…

— Je vous répète que je ne jugerai pas mes parents, dit Robert.

Madame Cheverny se rapprochait. Tous deux la regardèrent venir, frêle et petite. Le vent froid qui souffle, dès le soleil couché, agitait son voile, son boa de fourrure fauve, sa jupe de drap. Elle avait peine à marcher.

Le ciel d’argent devenait un ciel d’étain, et le fleuve obscurci miroitait encore entre ses îles. La cité, la tour, les charmilles du Mail, formaient avec le coteau une seule masse grise, compacte, aux crénelures sombres sur l’horizon. Pas un feu aux fenêtres. Pas un bruit. En bas, sur la berge caillouteuse, un vieil homme, barbu comme le Temps, jetait du sable dans un crible, avec un geste de fossoyeur…

« Il y a cinq semaines !… gémit Robert en lui-même. Je me rappelle les moindres détails de cette scène, les moindres mots de