Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/238

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femme était si nerveuse et si frêle ! Il l’aimait si passionnément ! Qu’elle eût mal, qu’elle pleurât, c’était, pour lui, le pire chagrin.

Il craignait le vent frais du soir pour sa gorge délicate, les cailloux des chemins pour ses jolis pieds, les menues contrariétés pour son caractère instable de femme, toujours indignée ou ravie, et qui passait du rire aux pleurs.

Elle aussi chérissait ce compagnon de son existence, ce grand ami, cet époux-amant. Jamais Robert ne les avait vus l’un sans l’autre. Dès que M. Cheverny s’écartait, sa femme le cherchait des yeux. Si elle parlait de lui, sa voix avait des nuances singulières, douces, et un peu hésitantes, qui révélaient l’émotion amoureuse, comme chez les récentes mariées.

Certes l’oncle Bon et tante Belle, les ménages bourgeois qu’ils recevaient, pratiquaient les vertus conjugales et domestiques. Ils s’aimaient bien… Mais Robert sentait que leur affection réciproque et fidèle n’était pas l’amour. Et lorsqu’il rêvait au mystérieux et magnifique amour qui élit un homme et une femme dans la foule humaine, et les attire invinciblement l’un vers l’autre, malgré tout, à