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Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/49

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sa force, très clairvoyant, très sévère pour lui-même, et l’orgueil le sauvait de la vanité. Il jugeait fort exactement le mérite de Sylvabelle, et se comparait au sculpteur, capable de tailler des images héroïques dans un marbre éternel, et qui sourit à la statuette d’argile éclose sous ses doigts comme une fleur. Une jolie chose, oui, mais une petite chose, l’ingénieuse amusette d’un artiste, et rien de plus… Pourquoi donc ce succès démesuré, presque gênant, qui entraînait l’admiration des sots et ruinait peut-être par avance la gloire méritée d’œuvres futures ? Quand des snobs ignorants l’osaient comparer aux grands maîtres de la musique, Clarence avait envie de les gifler, et il pensait, avec une sorte de honte, à la pauvreté de Beethoven, aux défaites de Berlioz…

Déjà, les bons confrères murmuraient que Clarence avait atteint, du premier coup, la perfection de sa manière, ce qui signifiait :

« Il refera peut-être Sylvabelle, mais il ne fera pas mieux. »

Deux ans plus tard, Georges faisait représenter Parisina, un drame lyrique, une œuvre violente, haute en couleur, qui sentait la mort