Aller au contenu

Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La vie de théâtre, les tentations qui assaillent la jeunesse d’une fille pauvre, le spectacle des convoitises et des lâchetés lui avaient enseigné la peur de l’amour et le mépris de l’homme. L’orgueil avait tendu comme un arc cette âme douce, l’Alberi s’estimait très haut, et pourtant elle souffrait d’être inférieure à Clarence par l’éducation et la culture, de parler assez mal français et d’ignorer toutes les choses qu’on apprend dans les pensionnats !

— Je suis une sotte ! Je dois t’ennuyer ? disait-elle à Georges.

Il lui disait, pour la consoler, ce qui était sa pensée véritable : une femme naturellement fine, qui exprime sincèrement des émotions délicates, est mille fois plus intéressante que la demoiselle forte en thème, instruite dans les pensionnats… Et Georges pensait à Pauline qui avait appris sans comprendre tout ce que la simple Béatrice comprenait naturellement sans l’avoir appris.

Rassurée, l’Alberi devint plus expansive : elle osa parler à Georges de son art, qui était leur art, et même elle lui fit, un jour, une critique sévère, en sa naïveté, de Parisina et de Sylva-