Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/68

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passé où rien ne leur était commun. Ils s’appartenaient déjà : ils ne se possédaient pas encore.

Qu’importaient à Georges ces apparences de l’univers dont il eût enchanté ses yeux, naguère ? Que lui importaient la nature, l’histoire et la légende, et le bleu suave des monts, et la Tibur d’Horace, et les splendeurs effritées de la villa d’Esté, et les ruines du palais d’Hadrien ? Il sentait que son amour, créé par l’intuition, durerait par la certitude qui suit l’expérience, et que le rapide aveu, le don imprévu, n’avaient qu’une valeur de symboles. Maintenant commençait la découverte merveilleuse, l’initiation à tous les secrets de la vie intérieure et de la profonde sensibilité physique ; les lentes approches, les prises soudaines de deux esprits et de deux corps qui se cherchent et qui s’adaptent pour la tendresse et la volupté. On ne perd pas en quelques jours l’habitude des pudeurs et des restrictions défensives. La femme surtout se dérobait. Elle conservait un sentiment de surprise et peut-être d’inquiétude, et ne s’expliquait pas quelle irrésistible impulsion l’avait jetée aux bras de Clarence.