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Page:Tinayre - L Oiseau d orage.djvu/53

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aïeule, cette toile avait paré d’honnêtes lits. Un jour, ses morceaux, divisés par des mains soigneuses, feraient des langes pour les nouveau-nés, ou des linceuls pour les morts.

Mais Demarcys, au geste de Marthe, avait frémi. Près de ce lit, dans la solitude de cette chambre, il sentit qu’il aimait avec violence et qu’il n’aimait pas d’un cœur pur. Et quand la jeune femme se tourna vers lui, répétant la question restée sans réponse, il balbutia des paroles vagues, n’osant plus la regarder.

Dehors, l’air marin, l’air salubre, l’eau mobile, le grand ciel. Jean secoua le charme morbide du désir mué tout à coup en ivresse sentimentale. Il tenait la main du petit Georges ; Marthe marchait à sa gauche. Le docteur les précédait.

Le crépuscule prolongeait à l’infini les courbes lointaines des plages. Entre l’île et la côte, la mer montait, et l’on entendait, au pied des barrages, au flanc des bateaux, son clapotement aux milles petites voix plaintives. Là-bas, sur la rive de France, les villages se noyaient