Page:Tinayre - L Ombre de l amour.djvu/19

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Monadouze, les parois découpées et ravinées, granits bleuâtres, bruyères roussies, mousses vertes et vives, lierres arborescents, et, çà et là, quelques fûts argentés de bouleaux, des pins tordus sur l’abîme, des bouquets de ces petits chênes dont les feuilles cuivrées persistent jusqu’au printemps. D’autres vallées s’enchevêtraient, d’autres montagnes superposaient leurs ondulations lentes, leurs larges plans violets sous le ciel gris. Ces vagues de la terre limousine se haussaient, s’abaissaient, figées dans leur élan éternel vers les « causses » calcaires du Lot. Sur la plus lointaine crête, le soir écarlate, brasier mal éteint, fumait encore…

Et déjà la cendre nocturne tombait sur Monadouze. Des feux s’allumaient au flanc du ravin et le grondement des quatre cascades montait, plus distinct et plus fort, dans le silence.

Denise ne voyait pas les cascades ; elle ne voyait pas le village tassé à la pointe d’un promontoire, avec ses ardoises et ses chaumes, sa pauvre église, sa tour féodale écornée et percée à jour. La maison du docteur Cayrol était bâtie hors de Monadouze, sur le chemin en corniche qui tourne et rejoint la route de Tulle. Isolée, elle dressait fièrement ses hautes cheminées, son toit quadrangulaire, écaillé d’ardoises bleues, ses lucarnes de grenier en accent circonflexe. Face au midi, elle recevait le soleil par toutes ses fenêtres qui avaient de petits carreaux à la mode ancienne, quelques-uns