Page:Tinayre - L Ombre de l amour.djvu/28

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ouvrir la porte grillée du jardin. Elle appelait le petit domestique :

— Jeantou, hé ! le drolle ! viens prendre la bicyclette de monsieur !

Étienne Cayrol entra, jeta sur une chaise sa pèlerine imperméable et sa casquette mouillée par le brouillard, puis il baisa sa fille au front :

— Bonsoir, Nise.

Le cœur dilaté, la joie aux yeux, elle s’empressait :

— Père, j’étais inquiète de toi… Tu n’es pas raisonnable de t’attarder ainsi…

— J’ai manqué le train. Je suis revenu, comme j’étais parti, à bicyclette… Mais j’ai vu tous nos gens. Les ouvriers seront ici demain. Les meubles sont expédiés en gare… Notre pensionnaire trouvera chez nous une chambre délicieuse…

— Dans cette saison, à cette heure !… Père, père, tu n’es prudent que pour les autres !… Ta moustache est humide… Prends ce fauteuil, là, près du feu… Tu dois mourir de faim !… Revenir de Tulle à bicyclette !… Oh ! je suis fâchée contre toi… Fortunade, dis à Françounette qu’elle trempe la soupe, et vite ! Je mettrai le couvert…

— Denise !… Chérie !

Assis, le docteur tendait ses mains vers le poêle. La lampe l’éclairait de côté. Il avait un visage de vieux chef gaulois, coloré, couperosé aux pommettes, les cheveux gris, l’œil bleu saillant, le nez aquilin, la mâchoire solide sous une longue mous-