Page:Tinayre - L Ombre de l amour.djvu/34

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même coup, l’inutile inquiétude métaphysique… La crise ainsi provoquée pouvait être dangereuse. Elle dura deux ans et s’acheva sans trop de ravages. Denise cessa de croire, mais il lui fut doux d’avoir cru. Sa raison s’affranchit des dogmes ; sa sensibilité demeura telle que l’éducation l’avait faite, et le curé de Monadouze put dire que mademoiselle Cayrol gardait un cœur chrétien.

Denise n’était pas très instruite. Les livres de science, de philosophie, la rebutaient souvent ; aucun roman n’entrait dans la bibliothèque du docteur. Des arts, de la poésie contemporaine, le père et la fille ne connaissaient presque rien. Pour eux, toute beauté était dans la nature. Habile aux travaux féminins, mademoiselle Cayrol gouvernait discrètement la maison, sans jamais parler de lessive ou de confitures aux dames de Tulle qui venaient la voir.

Ces dames la trouvaient simplette, et la dédaignaient un peu, parce qu’elle n’était jamais allée à Paris, ne lisait pas les magazines, et ne jouait pas du piano…

On savait qu’elle n’avait pas d’argent, et personne encore ne l’avait demandée en mariage.