Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/104

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le vin épais qui violacé le fond des verres ; il absorbe maintenant le sanguinaccio !… Rien ne le rebute. Tout le divertit. Tout lui plaît. Il loue les talents et le profil de la cuisinière qui lui rappelle Déméter indignée.

— Eh bien, qu’as-tu ?… me dit-il. Pourquoi me regardes-tu d’un air consterné ?… Tu ne m’avais jamais vu en voyage ?… Je suis comme ça… En Italie surtout… Je serais honteux de manger à la française et de me loger à l’anglaise… En Italie, je deviens Italien…

Les deux frères di Toma s’exclament ! Vont-ils embrasser papa ?… Avec un bon sourire, mon père raconte des histoires de son premier séjour, — il y a trente-cinq ans ! Son regard va loin, loin, dans le passé… et il murmure :

— Le dialecte de Naples réveille un écho dans ma mémoire… Et c’est ma jeunesse qui répond.

Carulina, qui sert le café, est en extase. Ses yeux de chatte moqueuse s’attendrissent. Elle fait des petits signes d’approbation… Et, tout à coup, elle laisse tomber une assiette…

Angelo crie :

— C’est la troisième depuis hier…

Mais Carulina n’est pas émue. Elle ramasse les débris sans cesser de regarder papa…

… Et voilà ma première soirée à Naples, mon cher Claude.