Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/106

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chanté, trop photographié, trop peint ! le paysage que nous avons vu sur tant d’albums, sur tant d’affiches, dans les presse-papiers en cristal, dans les lentilles grossissantes des porte-plume, sur la couverture des romances, sur les abat-jour en lithophanie de nos grand’mères ?… Ce paysage, le bleu de la mer, le bleu du ciel, le grand pin parasol au premier plan, l’horizon qui file entre les branches, la ville étalée en bas, le Vésuve au fond, la fumée en panache… je me rappelais cette image, et des poèmes, et des chansons. C’était ça le « fortuné rivage » cher à Lamartine, c’était ça, dolce Napoli, suol ridente !

Il pleuvait ! la mer Tyrrhénienne blanchissait contre les récifs de Capri. Au bout de la Villa Nazionale, dans ce petit port de la Mergellina, les barques échouées ressemblaient à des coques de moules vides.

Découragée, je fermai la fenêtre et je pensai à vous, mon cher Claude, qui me croyez toute joyeuse et ivre de bleu, comme une alouette !

Je revis papa au déjeuner. Il était allé au musée et chez quatre ou cinq amis intimes dont j’entendais les noms pour la première fois. Il avait acheté un bouquet d’iris et de capillaires et deux douzaines de cartes postales. Il manqua se fâcher parce que je regardais son pardessus tout ruisselant. — La pluie des pays qu’on aime ne