Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/107

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mouille pas ! — Et je commence à sentir que papa aime l’Italie d’un amour obstiné, partial, aveugle, pour des raisons qui ne sont pas toutes archéologiques ou esthétiques. Quels souvenirs a-t-il donc gardés de Naples, souvenirs tels que sa passion résiste aux averses et au ciel boudeur ?

Donna Carmela, notre hôtesse, allait un peu mieux. Elle voulut se lever et présider notre table. Quand elle parut, appuyée au bras d’Angelo, papa et moi nous fûmes stupéfaits par l’extraordinaire ressemblance de la mère et du fils. Donna Carmela est abîmée par l’âge et l’embonpoint, mais elle a les beaux traits d’Angelo avec un teint plus pâle, des cheveux plus sombres et la sévérité superbe d’une Livie. Le deuil qu’elle porte lui interdit toute fantaisie de toilette d’un goût par trop napolitain. De son esprit et de son caractère, je ne saurais rien vous dire : elle parle à peine le français. Pourtant, je la crois douce par indolence. Elle doit adorer ses fils, surtout le cadet, cet Angelo qui lui ressemble et qui règne en despote — en despote bon enfant — sur toute la famille.

Je ne sais s’il travaille beaucoup, M. Angelo ! Il se lève tard ; il flâne ; il fume des cigarettes et c’est dans l’après-midi seulement qu’il rejoint son frère à leur atelier commun du Pausilippe.