Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/114

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ment. Elle riait, fraîche dans ses fourrures grises qu’elle entr’ouvrait pour respirer mieux… Et elle avoua :

— Je suis encore dans la surprise du miracle. En descendant sur le quai Caracciolo, j’ai aperçu tout à coup… Naples !… la vraie Naples que j’avais méconnue et que je ne soupçonnais pas. Je n’ai rien pu dire. Je n’ai pas même écouté monsieur Angelo qui me désignait Portici, Resina, Sorrente. Je n’ai vu que du bleu… Et, jusqu’à Pausilippe, dans la baladeuse de ce tram qui tourne si brusquement et qui grince, j’ai regardé, regardé, regardé !

— Eh bien, regardez encore, dit le sculpteur, avec bonhomie, au lieu de vous enfermer dans mon atelier…

Il écarta le feuillage d’un chêne vert et fit passer la jeune femme devant lui. Le jardin finissait brusquement, par un escalier taillé dans le roc et qui dévalait en zigzags rapides jusqu’à la mer.

Et Naples était là, étendue à gauche, contre la draperie violette de ses collines. Ses maisons étagées, couleur d’ocre et d’orange, ou roses, ou grises, ses jardins, ses dômes, ses mâts, ses fumées, n’arrêtaient pas le regard, et l’on ne voyait rien en elle de ce qu’on cherche dans les autres villes : la silhouette imprévue, le détail