Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/12

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Au bout de la rue, l’église Sainte-Ursule-et-les-Vierges monte comme un rempart, tout hérissée de flèches, d’arcs-boutants et de gargouilles. Le jour, on ne distingue pas les verrières, éteintes et fanées parmi les réseaux noirs du plomb, mais les soirs de fête, quand les chapelles intérieures s’allument, une floraison miraculeuse, feu, émail, pourpre et saphir, apparaît dans les lancettes sombres des ogives.

C’est ici le cœur vénérable de Pont-sur-Deule.

Au delà de l’église-cathédrale, la ville est déjà modernisée. On trouve des voies larges, bien éclairées, des magasins, succursales de Paris. Plus loin, derrière l’Esplanade, hors de l’enceinte de Vauban, le nouveau quartier industriel développe ses grands murs de brique enfumée, ses toits de zinc et de verre, ses cheminées qui salissent le ciel. Et plus loin encore, c’est la campagne, pareille aux fonds des batailles de Van der Meulen ou de Wouwermans, coupée de canaux, plantée de peupliers et de moulins, ronde à perte de vue sous le ciel rond, balayée par l’ombre des nuages, verte, avec, çà et là, le rouge vif d’un toit de ferme, la tache fauve d’une vache paissante, — la campagne cultivée, habitée, où l’on sent partout la présence et le labeur de l’homme, où l’on n’est jamais seul avec la nature…

Mais, entre l’église et le canal, l’innocente