Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/125

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elle, un grand gosse inconscient du ridicule et qui devait tout faire par jeu, — même la peinture, même l’amour.

Il était assis aux pieds de Marie, sur un escabeau, et il lui présentait l’assiette des « douceurs »… Elle remarqua tout à coup la beauté de ses yeux, la nuance veloutée des iris sombres, nageant dans un fluide bleuâtre, sous les franges pressées des longs cils. À Naples, les beaux yeux ne sont pas rares, mais quels yeux, à Naples même, eussent humilié ceux d’Angelo ? Les coquettes mouraient de jalousie en les regardant, et les voluptueuses n’osaient pas les regarder. Les cheveux aussi étaient beaux, vivaces et rudes, d’un noir bleuté de raisin, avec ce mouvement ondé qui rappelle les jolies boucles de l’enfance et qui attire les mains des femmes pour un geste caressant et maternel.

Marie sentait la chaleur du vin dans sa poitrine. Ses paupières lasses flottaient sous un brouillard léger et, par tout son corps, elle éprouvait une sensation exquise de repos, de déliement, d’indifférence…

Angelo murmura :

— Vous n’êtes pas fatiguée ?

— Un peu étourdie…

— Vous avez trop chaud…

Elle écarta les pans de sa fourrure, et deux