Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/134

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Elle n’écoutait pas ses compagnons qui d’abord avaient parlé français, par politesse, et qui revenaient à leur dialecte provincial. Avançant comme à regret, elle tournait sa tête éblouie vers le ciel d’ouest qui s’embrasait derrière elle. Il n’était pas rouge, mais ardemment jaune, strié de fauves fumées, traversé de tous les ors flamboyants et clairs qui vibrent dans une fournaise vue en plein jour. Le promontoire, découpé en violet pur contre cette immense flamme, cachait le centre mobile de l’incendie, le disque du soleil descendant vers Procida. De la crête au flanc de la colline, une légère ombre mauve glissait sur les jardins d’orangers, sur les murs couronnés de pâles roses. Les pins tordus écartant leurs hauts bras verts la recevaient sur leurs ombrelles. Et cette ombre couvrait la route, gagnait les maisons encore vêtues de lumière rose, tandis que la lumière, abandonnant les fenêtres, les corniches, les terrasses, remontait comme un voile tiré par en haut.

L’ombre déborda sur la route, tomba de la falaise à la mer, changea la nacre irisée en nacre grise. Maintenant elle touchait le pied du Vésuve. L’énorme masse du volcan, pourpre et crevassée de pourpre plus obscure, prit la couleur des charbons sous la cendre, se violaça, s’éteignit, parut se dissoudre dans la brume,