Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/161

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Angelo éclata :

— Alors… alors, ce sera fini de nos promenades, de nos conversations… Je ne vous verrai plus ! Je passerai des journées sinistres, tout seul, comme un vrai hibou des ruines !…

— Mais, vous-même, vous devez travailler.

— Je le dois, oui… parce que je ne peux pas faire autrement… parce que monsieur Wallers me tient à la chaîne… Tandis que vous, une femme, une jeune femme !…

Il grommela quelques mots en italien.

— Que dites-vous ?

— Je me plains.

— Plaignez-vous en français.

— Je ne saurais pas… Vous me trouveriez ridicule… Les Françaises trouvent ridicules les sentiments profonds, les passions naïves qui s’expriment sincèrement…

Marie le regardait en souriant et reprenait involontairement la comparaison qu’elle faisait dix fois par jour, à propos de tout. Angelo, introduit par les circonstances dans l’intimité des Wallers, avait des libertés et des privilèges qui naguère appartenaient au seul Claude, mais sa présence, par un détour bizarre, ramenait toujours Marie vers l’absent.

« Ah ! pensait-elle, comme mon pauvre Claude a tort de craindre les réflexions que je puis