Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire !… Angelo est très beau, et je ne le trouve pas ridicule, mais il est fait pour être peint et sculpté, et non pas pour être aimé… du moins par une femme de ma race… Ces cheveux trop noirs, cette peau ambrée, cet excès de cils et de sourcils, lui donnent un air… l’air d’un homme pas assez lavé… Pourtant, il est soigné, Angelo ! Il n’est pas comme son ami Santaspina qui nous a révélé, un jour, qu’une brosse n’avait jamais déshonoré ses belles dents… C’est un enfant, un grand enfant, pas méchant et d’âme très simple, un enfant qui déteste le travail prolongé, l’ennui, la pluie, les gens qui parlent de la morale et les gens qui parlent de la mort… Il a l’ingénuité des enfants, leur despotisme câlin, leur rouerie… Près de lui, je me sens presque vieille ; et il me traite comme une grande sœur… Et parfois, au contraire, sa puérilité me rajeunit, et je redeviens petite fille… »

Cet enfantillage d’Angelo divertissait beaucoup Marie qui avait toujours vécu parmi des gens graves, ou tout au moins sérieux et pratiques. Elle aimait Angelo comme on aime les petites choses charmantes et inutiles, comme on aime les compagnons de voyage, rencontrés sur le pont d’un bateau. On dîne avec eux, on cause avec eux, on descend avec eux, aux ports d’escale ; on est, avec eux, plus familièrement