Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/165

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légiés reçoivent le premier flot des caravanes et se partagent presque également les « Cooks ». Dans la saison chaude, quand le voyageur se fait rare, les pisteurs accueillent le moindre touriste par des cris de cannibales affamés. Ils l’enveloppent, le harcèlent, le rabattent jusqu’au restaurant où des garçons mélancoliques, en habit noir taché, balaient les mouches avec des balais de papier tricolore. Et quand le malheureux se hasarde hors du restaurant, un essaim de cochers l’assaille, claquant du fouet et vociférant les noms de Castellamare et de Sorrente. À peine sauvé des cochers, il tombe dans la horde des guides — soi-disant autorisés — qui bourdonnent à ses oreilles : « Cent sous… cent sous… cent sous… » Et, parvenu au guichet de la porte Marine, il demeure ahuri, assourdi, et tout étonné du silence.

Les peintres, les savants, dont la bourse est légère et qui se contentent d’un gîte simple et d’une chère modeste, se retrouvent en famille à l’auberge de la Lune. M. Wallers y était venu, autrefois. Il aimait cette bâtisse jaunâtre, irrégulière, sans style, sans façade, avec des escaliers extérieurs, des portes cintrées, des terrasses avançantes qu’abrite un auvent de roseaux. Il aimait la cour encombrée de cages à poules, de barriques, de jarres, d’ustensiles domestiques, et