Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/190

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— Vous êtes plus jolie, beaucoup plus jolie, et, plus… moins… enfin, plus femme…

Il regarda Marie qui fut surprise par le sombre éclat de ses yeux et la contraction légère de sa bouche… Mais tout de suite la bonne figure bronzée reprit sa douceur.

— Marchez près de moi, madame Marie, et n’ayez pas peur… Voici la rue que je cherche.

La rue ?… Même pas une ruelle, un passage, une fente, large de deux mètres à peine, dans un colossal pâté de vieux palais, si vieux qu’ils se souviennent de la reine Jeanne ! Ils montent comme des falaises, et le ciel, tout en haut, n’est qu’une bande d’un gris terne ou d’un bleu brutal, selon les jours, et le soleil n’est qu’un haillon d’or, jeté obliquement du toit aux derniers étages. Les murs décrépits, lézardés par les tremblements de terre, ressemblent à des figures sinistres qui auraient reçu le sfregio. Des poutres énormes servent d’étais et diminuent l’espace libre… Des cordes, tendues d’une fenêtre à l’autre, superposent l’ignoble pavoisement des chemises, des langes souillés, des camisoles rapiécées de cotonnades diverses. Plus bas, dans le clair-obscur éternel, bâillent des cavernes noires, des trous d’ombre, où les lampes rougeâtres agonisent devant l’image d’une Vierge ou d’un saint.

Marie, effarée, relevait sa robe et posait ses