Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/189

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l’honneur ; il y a bien des amants qui font des estafilades à la figure de leur maîtresse, comme à cette Nannina dont le marchand d’ex-voto nous parlait… Mais, tout de même, on n’est pas méchant… La rasulata, le sfregio, c’est un mouvement de passion que les femmes pardonnent toujours… Quelquefois, elles en sont fières…

— Cela ne vous choque pas, vous, monsieur Salvatore ?…

— Un peu… pas trop… Je comprends les impulsions inconscientes qui commandent aux gens de ma race…

— Ah ! que je suis loin de vous ! dit Marie… Aussi loin que si j’étais née en Amérique… Nous ne donnons pas le même sens aux mêmes mots ; nous ne concevons de la même manière ni la foi, ni la vertu, ni le bonheur, ni la dignité de la vie, ni l’amour…

— C’est vrai, dit tristement Salvatore… Notre sentimentalité — qui est réelle — ne ressemble en rien à la vôtre, et c’est peut-être dans l’amour qu’un homme du Midi et une femme du Nord se sentent étrangers… Pourtant — oserai-je le dire, madame Marie ? — vous avez subi l’influence de ce pays à votre insu… Mon frère, ma mère, nos amis qui vous ont vue, remarquent un changement en vous…

— Quel changement ?