Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/196

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s’être trompée… Elle interprétait faussement ces expressions trop tendres où elle retrouvait l’habituelle emphase italienne… Un homme qu’une femme n’a jamais encouragé, d’aucune manière, qui n’a aucun espoir d’être accueilli ou même écouté, ne risque pas un refus, surtout quand cet homme est séduisant, qu’il a le goût, l’habitude et la faveur des femmes… Angelo ne manquait pas d’expérience. Il ne pouvait confondre la cordialité d’une amie avec le manège d’une coquette…

Mais il ne se rendait pas compte, très exactement, du sens qu’une étrangère peut donner à certaines attitudes et à certaines paroles. Il « mettait des dièzes » comme Santaspina. Lorsqu’il s’enhardissait trop et qu’un froid passait entre Marie et lui comme un petit souffle du nord, il esquivait la « gaffe » imminente… « Excusez, madame Marie ! j’ai dit quelque sottise ? C’est que je l’ai dite avec mon cœur, et mon cœur italien ne sait pas encore sentir à la française… Mes sentiments comme mes paroles ont l’accent de mon pays que vous trouvez encore un peu ridicule… Moi, je ne songe pas au ridicule ! Je ne suis pas un Français… » Le ton était si franc, le regard si candide, le geste de la main posée sur le cœur était si comique et si gentil, que Marie était désarmée…