Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/195

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nité animale. C’était vraiment un cercle de l’enfer, le royaume de la Misère, reine affamée, squelette en haillons, qui trône dans une âcre odeur de pourriture et d’ammoniaque…

L’envers de Naples, l’envers du pays bleu !

Mais les nuages pâlissent, et, dans la vapeur plombée devenue blanchâtre, un rayon glisse comme une épée qui agrandit le trou bleu… Le soleil s’efforce. Il triomphe. Un phare splendide s’allume au sommet du Carmine. Les vitres sales sont des brasiers ou des miroirs ; la poussière est un or vaporeux qui monte ; les ternes guenilles suspendues changent de couleur. Des blancs purs, des verts bizarres, des rouges magnifiques, des bleus fanés et doux palpitent, et, dans le plus infâme des vicoli, une voix de femme se met à chanter, joyeuse et rauque…


Le lendemain fut une journée à surprises. Marie reçut une nouvelle lettre d’Angelo. Des phrases italiennes, fleuries de superlatifs et de points d’exclamations, ornaient le texte français, comme des festons et des guirlandes. Et le sens de ces phrases était si transparent que Marie, stupéfaite, laissa tomber sur ses genoux la lettre et l’enveloppe toute pleine de narcisses effeuillés…

Mais non !… elle se trompait !… Elle voulait