Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/198

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la femme n’a pas compris, et l’amour-propre est sauf, — l’ombrageux amour-propre masculin, plus sensible et vivace que l’amour même.

« Au besoin, pensa Marie, je ferai intervenir Salvatore, discrètement… »

L’après-midi, elle prit le tramway du Pausilippe pour se rendre à l’atelier. Trois ou quatre fois, elle avait travaillé chez Salvatore, et elle lui avait laissé quelques-unes de ses miniatures ébauchées, et tout son petit matériel de peintre… Dans le tramway presque vide, un monsieur aux sourcils charbonneux, au teint de caroube, la regarda comme pour l’hypnotiser… Gênée, elle ouvrit le Mattino. Alors, le monsieur vint s’asseoir près d’elle… Il lui demanda :

— Madame est Française ?…

Marie ne répondit pas.

— Américaine ?… Oui, Américaine !… Ces cheveux blonds, quelle belle chose !… J’aime toutes les blondes… Et madame est mariée ?… Non ? Oui… Toute seule à Naples ?… Elle habite loin d’ici ?…

Marie s’obstinait dans son silence… Deux petits soldats, un prêtre crasseux et une blanchisseuse suivaient avec un vif intérêt le manège du monsieur, et le contrôleur, bon enfant, s’efforçait de ne pas gêner ces manœuvres d’approche.

Le monsieur se présenta : Antonio Pellegrino,