Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/199

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avocat… âme tendre et passionnée… seul dans la vie…

Marie se leva.

Le monsieur se leva aussi.

« Permettez que je vous aide à descendre… »

Déjà, elle avait sauté sur la route, et elle était dans le jardin de Salvatore. L’avocat trop galant l’avait suivie. Il lui envoya des baisers, à travers la grille, puis il se mit à courir pour rattraper le tramway.

Marie crut divertir Salvatore en lui racontant cette aventure, mais il entra dans une grande colère… Il parlait de rejoindre le tramway, de descendre l’individu, de le gifler, de le bâtonner, de le provoquer. Il criait : « Porco ! vigliacco !… » Puis sa fureur changea d’objet… Il fit mille reproches à Marie. Pourquoi s’en allait-elle, seule, dans Naples, au lieu de se faire accompagner par un ami sûr et dévoué ? Et, tout à coup, il commença une série de réflexions vagues et générales sur le danger d’être jolie et jeune, et seule dans un pays où les hommes ne pensent qu’à l’amour — même les vieillards, même les disgraciés, même ceux qui font profession de philosophie et de renoncement !… Et il en vint à plaindre les malheureux qui adoraient Marie, sans aucune chance de réciprocité…

— Quels malheureux ?